Dirigeants, Responsables RH, Manageurs, Formateurs, nous pouvons tous être en lien avec des personnalités dites « difficiles » (narcissique, paranoïaque) relevant de risques psycho-sociaux (burnout, harcèlement, dépression, etc). Ces individus signalés comme « pathologiques » seraient la cause des dysfonctionnements au sein des collectifs de travail ?
Le psychologue Yves Clot parle d’une approche hygiéniste des risques psychosociaux, qui transforme la fragilité des situations en fragilité des personnes. Stress, burn-out, pervers narcissiques, sont des termes qu’il prend avec beaucoup de recul : « le vocabulaire est glissant parce qu’il traduit une angoisse sociale d’appeler les choses par leur nom. Il y a quelque chose de profondément déréglé dans le travail. On assiste alors à une obsolescence programmée des mots. On passe des plans d’action contre les risques psychosociaux à la qualité de vie au travail, et pendant ce temps les symptômes s’aggravent. » (1)
Comme l’expliquent Claudia Gaulé et Sylvie Delarousse, thérapeutes gestaltistes, ces pratiques s’inscrivent dans le phénomène d’individualisation du travail, d’une évolution qui « abîme » les collectifs et amène une sorte de désolidarisation généralisée, avec l’idée que chacun doit être responsable de ce qu’il fait, en donnant à chacun la possibilité théorique, dans l’entreprise, de se développer, de prendre des initiatives, et d’être noté au mérite… C’est la grande « perversion de la psychologisation » : non seulement c’est l’individu – et jamais le collectif travail – qui est jugé sur son travail, et en même temps il est jugé sur sa personnalité…
Pour nous, coachs gestaltistes, organisme (le collaborateur) et environnement (le collectif de travail) sont indissociables. Alors sortons de l’étiquetage individualiste, vécu souvent comme un début de solution, pour faire un diagnostic dans la situation du phénomène « souffrance, ou « violence ». Nous nous intéresserons plutôt à la façon dont un harceleur met en action la peur. Une peur qui serait dans l’entreprise ? ou la pression ? ou l’exigence ? En nous laissant vivre les dysfonctionnements pour pouvoir les éprouver autant que les analyser, nous proposons un diagnostic situationnel, bien différent d’un diagnostic de système.
Changeons de regard, remplaçons le concept d’exclusion par celui d’interdépendance, de co-responsabilité et de co-création. Ensemble, construisons l’entreprise de demain.
Sophie Bureau
Coach gestaltiste
(1) Extrait article du Monde du 27 février 2019 « Souffrance au travail : oubliez le psychologue ! », Margherita Nasi