(Dire après avoir visionné une nouvelle fois le fameux sketch sur « l’eau ferrugineuse » ; et asséner alors, avec une élocution entravée et un bas droit quasi déchevillé, la sentence suivante :) « La viande ferru…. ferru-ferru…. ferruginineuse, non ! » Puis développer : « Il ne faut plus le fer… Parce que le fer a passé et repassé sur les artères… Alors, la viande ferru… ferrugineuneuse, non ! »
(Dans un autre registre, d’un ton docte cette fois) : « Cessez de consommer de la viande rouge pour la raison qu’elle est cancérogène, cancérogène en raison d’une teneur élevée en fer. Or le fer s’avère être un oxydant puissant ; et le processus d’oxydation est à l’origine du vieillissement tissulaire, et au bout du compte des grandes maladies que sont l’athérosclérose, les cancers, et la maladie d’Alzheimer ».
En un mot comme en sang
On vous prévient que vous êtes prévenus : cessez de consommer de la viande rouge ! Pour la raison donc d’une association avec un surcroît d’événements de santé défavorables. Notamment pour la raison d’une teneur en fer élevée (en outre de la teneur en lipides élevée, de l’altération des nutriments par la flamme des barbecues, etc.).
Au passage, une information au sujet du fer : contrairement à une idée reçue fréquente, la viande rouge n’est pas plus riche en fer que la viande blanche. Le fer, en effet, n’est pas surtout celui de l’hémoglobine de la viande saignante ou du boudin noir ; il est surtout contenu dans une autre protéine : la myoglobine.
Et la viande la plus riche en fer n’est pas forcément celle que l’on croît : c’est celle du pigeon.
En un mot comme en cent
Cessez !
Voilà, c’est tout ce qu’il y a à dire.
Cessez, la consommation de viande ; un point c’est tout.
Parce qu’un peu, même un peu, c’est trop.
Enfin quoi, puisqu’on vous dit que c’est cancérogène. Vous entendez : can-cé-ro-gène ! est-ce clair ?
Des maux comme en cent
Cela dit, la viande n’est jamais qu’un cancérogène parmi tous les cancérogènes :
- le poisson, en remplacement de la viande, même pas en rêve. Avec ces mers poubelles, la chair est truffée de mercure, et au bout du compte au top des toxiques dans l’échelle de Richter… ;
- le sucre, n’en parlons pas plus. N’en parlons plus jamais même. Ça fait sécréter de l’insuline, laquelle s’avère être une hormone de croissance. Croissance tissulaire : vous voyez ce que je veux dire… ;
- les féculents, n’en parlons plus, parce que c’est bien, certes, mais en fait c’est mal : on vient juste de nous annoncer (attention : une actu peut en cacher une autre !) que les emballages en carton laissaient passer ces saloperies d’hydrocarbures ;
- les graisses, ça fait une belle lurette qu’on ne doit plus en parler. Tout un chacun sait – ou devrait savoir – que ça tartine sournoisement la paroi des artères ;
- les légumes frais : faudrait vraiment être complètement inconscient pour en consommer, quand on sait qu’on avale par jour l’équivalent d’une cuiller de pesticides !
- les laitiers ? Tiens justement, parlons-en des laitiers. Quand bien ce serait bon, ce qui est très loin d’être démontré ; en fait ce n’est pas bon. Parce que de toutes les façons il y a environ 120 % de personnes intolérantes au lactose.
- Et bon appétit, consommateurs intègres !
Ne pas se faire du mauvais sang ?
Il faudrait tout de même savoir raison garder. Et d’abord se dire que le « raisonnement » en oui/non, on/off, push/pull, est tout simplement insupportable.
Evoquer en effet un effet « cancérogène » au sens donc de soit oui, soit non, est à la fois bête et méchant. Cela revient à transformer le relatif en absolu ; le niveau de risque (un peu/beaucoup/énormément…), une gradation donc, en danger : il y a danger, ou il n’y a pas de danger.
J’ai commencé ce billet avec un humoriste (Bourvil) ; je termine avec un autre : Coluche. Ce dernier disait que les gardiens de la paix, plutôt que de nous la garder, ils feraient mieux de nous la f… Je lance à mon tour un avertissement aux chantres de la prévention : sous couvert de nous protéger, vous nous saoulez ! (avec votre viande ferru… ferrugigineuse)
Quel est le problème, en effet, de manger de temps à autre, une viande persillée ; accompagnée au passage d’un peu de bon vin rouge. Un vin rouge riche certes en fer, mais dont les tannins contiennent de remarquables antioxydants ?
Et bon appétit, gastronomes de plume ou de poil !