Mange ta soupe ! Tant il est vrai qu’« un sac de pommes de terre ne tient pas debout tout seul », comme j’ai pu entendre dire dans les campagnes, chez moi en Picardie…
À père dodu, enfant… ?
Des mères, des grands-mères peut-être surtout, se sont inquiétées, et s’inquiètent encore devant un enfant chétif.
Rien n’est plus normal, la première responsabilité des parents étant bien d’assurer la croissance de l’enfant. Mais certaines « poussent à la consommation », pensent qu’il vaut mieux que l’enfant soit joufflu, qu’il ait le ventre un peu dodu – nous dirons, pour ce qui nous concerne, un peu grassouillet.
La nature a horreur de vide
Faut-il voir à cela la survivance des temps anciens, ceux des difficultés d’approvisionnement, voire des famines et des disettes ?
Mais est-ce seulement la marque de la constitution de réserves énergétiques, lesquelles donneraient le gage de traverser une période de restriction sans difficulté ? Ou est-ce la marque plutôt d’une certaine opulence, une opulence elle-même de nature à éloigner le spectre de la restriction ? Serait-ce encore la marque tangible de la réussite individuelle, à travers le « signe extérieur de richesse » que représente le surcroît de réserves ?
Mais vous reprendrez bien un peu de…
Voyons d’ici le tableau : si un(e) invité(e) à table décline la proposition de la maîtresse de maison de prendre une part plus conséquente, ou de se resservir, pour la raison qu’il (elle) « fait attention » ; observons que la maîtresse de maison insistera souvent pour servir plus que son invité ne le désire.
Une loupe sur la louche
Comment faut-il comprendre cela ? Nous pouvons faire des hypothèses :
- Hypothèse 1 : il s’agit un geste d’empathie. Tout de même, se dit in petto la maîtresse de maison, le (la) pauvre, il (elle) n’a pas de chance, il (elle) doit être brimé(e) ; avec moi il (elle) pourra faire une parenthèse, je vais lui procurer un plaisir auquel il (elle) n’a « plus le droit » !
- Hypothèse 2 : il s’agit d’un geste égoïste. Ton (vôtre) problème, je ne veux pas le savoir ; et moi, je n’aimerais pas que l’on me fasse cela. Tout de même, je ne me suis pas fatiguée à préparer le repas pour rien, vous n’allez pas me laisser le plat comme cela !
Une hypothèse donc, et son contraire !
Sur sa faim…
Ce que l’on peut souligner, en tout état de cause, c’est que plaisir et contrainte ne vont naturellement pas ensemble. Le plaisir, par définition même, est dans l’illimitation. Mais alors, comment trouver l’équilibre ?
Et finalement, pourquoi l’équilibre ? Pour qui : pour soi ? Pour l’autre ? Pour nous tous ensemble, dans la famille, entre amis ?
Les petits plats dans les grands
Reconnaissons que nous abordons ici un point nouveau : une des fonctions de la nutrition est bien le partage.
J’ai évoqué une scène, lors d’une réception. Imaginerait-on celle d’un homme seul, d’une femme isolée, dressant une table avec la belle nappe brodée et les beaux couverts, débouchant la « bonne bouteille », et allumant les chandeliers avant de se souhaiter le meilleur appétit ?
Une équation à plusieurs personnes connues
L’équilibre, si je puis dire ; c’est à plusieurs. Bien sûr, il n’est pas facile de contenter chacun. Mais c’est tellement bon d’être ensemble ! C’est là seulement que quelqu’un peut dire à propos du mets délicat, du bon vin, à voix haute et susurrée à la fois :
« Le petit Jésus qui vous descend dans la gorge en culotte de velours… »